La lutte contre le coronavirus, entre utilisation de l’intelligence artificielle et protection des libertés individuelles

Le coronavirus, nommé «Covid-19» par l'OMS, continue de se répandre inégalement d'un continent à l'autre. Plus de 400 000 cas d'infection dans 169 pays (sur 198 au total) depuis le début de l'épidémie. Plus de 16 000 morts dans le monde dont 870 en France à ce jour et le bilan s'alourdit quotidiennement, le scénario tant redouté devenant une réalité. Pourtant, si la crise actuelle du Covid-19 est bien plus grave que celle du précédent coronavirus, le Sras, qui a fait près de 800 morts il y a 17 ans, les gouvernements disposent désormais pour la combattre de l'intelligence artificielle (IA), ce nouvel outil aux applications innombrables.
(Crédits : DR)

La première démonstration de son efficacité est intervenue fin décembre 2019 quand une intelligence artificielle canadienne, capable de passer au crible toutes les informations sanitaires disponibles sur Internet, dans 65 langues, repère, bien avant le 9 janvier 2020, date à laquelle l'OMS a officiellement informé le grand public, qu'une épidémie de type grippal sévit depuis Wuhan en Chine.

Plongée dans le monde de la science-fiction

On constate cependant une différence d'approche et de moyens importante au sujet de l'usage des nouvelles technologies entre les pays du Sud-Est asiatique (Taiwan, Singapour, Chine et Corée du Sud) et la majorité des pays occidentaux. Dans ces pays asiatiques, l'IA est utilisée à tous les niveaux de la lutte contre l'épidémie, de la détection des foyers de contagion à la recherche de traitements, en passant par le diagnostic médical. En Chine, le virus a plongé le monde dans la science-fiction : les robots sont utilisés pour désinfecter les pièces, communiquer avec des personnes isolées, délivrer des médicaments ; les drones vaporisent du désinfectant dans les lieux publics et identifient les personnes qui se déplacent sans porter de masque. Le même type de technologie surveille les publications sur les réseaux sociaux pour rechercher des signes de propagation de la maladie, suivre les personnes se plaignant de leur état et croiser ces informations avec celles relevant des transports en voiture, train ou avion. L'application baptisée «Close Contact Detector » est capable d'alerter tout utilisateur croisant la route d'une personne potentiellement infectée. Pour appuyer l'obligation gouvernementale du port de masque de protection en public, Baidu (le Google chinois) a annoncé vouloir associer l'intelligence artificielle à un système de reconnaissance faciale inédit. Cette technologie serait capable de détecter au milieu d'une foule si une personne porte un masque de protection ou non grâce à l'analyse de plus de 100 000 images simultanées. Avec une précision affichée de 96,5 %, ce système veut offrir un service de pointe aux autorités chinoises afin d'identifier la ou les personnes fautives.

Tracking précis

En Chine toujours, certains policiers sont munis de casques de réalité augmentée qui affichent une image thermique des passants, indiquant leur température corporelle en temps réel. Un algorithme développé par le géant de la vente en ligne Alibaba est capable de diagnostiquer le Covid-19 en seulement quelques secondes avec un taux de réussite de 92 %, quand les médecins ont besoin d'une quinzaine de minutes pour poser un diagnostic. La détection de la fièvre, un des principaux symptômes du Covid-19, est elle aussi révolutionnée par l'IA. A Pékin, un système développé encore par Baidu scanne les voyageurs dans les gares en combinant l'infrarouge et la reconnaissance faciale. Si la température d'une personne dépasse 37,3 degrés, une alarme se déclenche. À Hong Kong, les autorités ont imposé le port de bracelets connectés à tout individu placé en quarantaine et présentant des symptômes du virus. Ces e-bracelets associés au smartphone permettent de géolocaliser les individus cible afin de les empêcher de quitter leur domicile. Singapour a mis en place une application mobile qui prévient les personnes qui auraient pu être en contact avec quelqu'un qui est porteur du virus, leur permettant de vérifier s'ils ont pris le même avion ou le même train que des personnes infectées. Taiwan suit également de façon extraordinairement précise les cas suspects en localisant des téléphones et en s'assurant fréquemment de l'évolution du patient. Des messages sont envoyés à ceux qui ne respectent pas leur quarantaine et le traceur est directement relié aux services de police. En Corée du Sud les données personnelles des malades sont mises en ligne sur Internet et consultables par l'ensemble de la population. Il est ainsi possible de vérifier, en temps réel, où les porteurs se trouvent et où ils se déplacent. Les contaminés depuis moins de 24 heures sont représentés par un point rouge, ceux qui le sont de 24 heures à 4 jours apparaissent en jaune tandis que ceux qui le sont depuis neuf jours sont visualisables en vert. Ces données de tracking sont recueillies avec les images de vidéo-surveillance, l'analyse des cartes bancaires ou des téléphones des malades : en cas de refus de partager ces informations, les patients récalcitrants risquent jusqu'à 2 ans de prison !

Liberté chérie ?

Force est de reconnaître que chacun des pays cités a semblé en mesure de contenir l'épidémie, même quand elle avait pris d'importantes proportions comme en Chine. L'utilisation de l'IA et des nouvelles technologies y a largement contribué en démontrant une évidente efficacité mais au prix d'un renoncement important à certaines libertés individuelles.

Alors il est légitime de se demander pourquoi la France n'utiliserait pas ce type de technologies au service de la lutte contre une telle pandémie. Un débat qui devra nécessairement avoir lieu si nous voulons  bénéficier de l'efficacité d'un pays moderne, mais qui heurtera de plein fouet la question de la protection des libertés individuelles.

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