Comment Exper-i-mental veut créer du lien autour des personnes bipolaires

Située à Cagnes-sur-mer, cette startup développe une application permettant de créer du lien entre les personnes atteintes de troubles bipolaires, leurs proches et leurs médecins. Après le lancement de la première version, il est question d’améliorer le dispositif avant de le commercialiser d’ici l’automne.
(Crédits : DR)

Une humeur qui joue aux montagnes russes, passant de phases euphoriques au cours desquelles tout semble possible à des phases dépressives qui s'accompagnent souvent de pensées suicidaires. En France, on compte entre 700 000 et 1,3 million de personnes bipolaires, souvent diagnostiquées tardivement tant la maladie demeure méconnue.

Quelques traitements existent. Sorte de filet de sécurité censé stabiliser l'humeur, laissant tout de même échapper quelques crises, particulièrement invalidantes et qui peuvent conduire au suicide. C'est pour pallier ce risque que Patrick Lalouette, à la suite d'une discussion avec une psychiatre, a eu l'idée de Trait d'union, une application qui ferait le lien entre les malades, leur entourage et leurs médecins.

Données subjectives et objet connecté

L'idée germe avant de donner naissance à une entreprise, Exper-i-mental, en mars 2018. Le concept : le patient est amené à répondre quotidiennement à quelques questions concernant son humeur, la prise de ses repas ou encore l'observance de son traitement. Des données complétées par celles recueillies au moyen d'un bracelet connecté mesurant la qualité du sommeil ou encore l'activité physique. Ces informations sont ensuite communiquées au psychiatre et aux proches. Un moyen pour eux de savoir dans quelle phase se trouve le malade. "Par exemple, en phase euphorique, il dort peu et est très actif, il fait beaucoup de pas. A l'inverse, en phase dépressif, il se déplace peu et dort beaucoup".

Etant donné qu'en raison des règlementations, il n'est pour l'heure pas possible d'envoyer des alertes en temps réel au médecin, le système est "davantage basé sur la patient afin qu'il s'autogère avec la protection des aidants". Un moyen pour lui de mieux appréhender sa maladie, d'autant que des conseils lui sont prodigués par l'application. Autre fonctionnalité permise par l'outil : les proches peuvent entrer avec d'autres aidants afin de combattre leur isolement et de leur donner des ressources pour affronter la situation.

Améliorer la détection des crises

Après plusieurs mois de travail en partenariat avec une ergonome et des psychiatres niçois, une première version de l'application a été lancée en septembre dernier. "La plateforme fonctionne, de même que les capteurs. Le résultat est fidèle à ce que l'on veut ", se réjouit Patrick Lalouette. Reste maintenant à se confronter à la réalité de la maladie, d'autant qu'Exper-i-mental aimerait voir son produit reconnu comme un dispositif médical. "Nous regardons les démarches pour lancer les tests auprès de populations pilotes dès que l'on en aura l'autorisation, en février ou mars".

Et d'envisager des tests sur 30 à 40 personnes à partir d'avril. Des tests préalables à l'élaboration d'une seconde version du produit qui pourrait prendre en compte d'autres symptômes afin de cerner encore plus précisément les crises. "A l'hôpital de Nice, nous travaillons sur la voix qui pourrait être une piste puisque le débit de parole est plus important en phase maniaque".  Tout en veillant à ne pas être trop intrusif et contraignant pour le patient.

Ces améliorations faites, la seconde version devrait être mise sur le marché à l'automne prochain. Concernant le modèle économique, "le psychiatre paiera un montant fixe annuel pour toute sa patientèle". Quant au patient, "il paiera un montant mensuel de service. C'est-à-dire que s'il n'utilise pas l'application, on ne le facture pas". Le bracelet serait gratuit, de même que l'utilisation de la plateforme par les aidants.

Tisser des partenariats avec d'autres startups

Mais pour Patrick Alouette, commercialisation ne rime pas avec fin de l'innovation, loin de là. "Notre plateforme est ouverte à d'autres acteurs pour mieux renseigner l'état du patient". Ainsi, Exper-i-mental est actuellement en discussion avec une startup capable de détecter l'évolution de la pathologie grâce au prélèvement d'une goutte de sang. Il pourrait aussi être question d'agir au plus vite en cas de crise imminente : "il y a un laboratoire pharmaceutique qui aurait trouvé une molécule capable d'agir en quelques heures seulement".

A la recherche de partenaires, la startup est également en quête de financeurs. "Nous aurions besoin de 150 000 à 200 000 euros pour mener des tests de plus grande ampleur, sur un plus grand nombre de patients avec un suivi psychiatrique".

D'ici 2020-2021, une fois le modèle testé et reconnu en France, l'ambition est de se développer à l'international, à savoir en Europe et aux Etats-Unis. Et par la magie des grands nombres, "nous pourrions obtenir plus de précision dans nos statistiques, ce qui pourrait aider la recherche autour de cette maladie, afin de mieux comprendre les cycles et leurs éléments déclencheurs".

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