Epinov et son cerveau virtuel à l’heure des essais cliniques

A Marseille, les équipes du projet EPINOV ont développé un cerveau virtuel modélisant celui d’une personne atteinte d’épilepsie. Le but : guider le chirurgien pour des opérations au plus juste, avec le moins de séquelles possible. Des essais cliniques sont en cours.

Si l'épilepsie touche près d'un demi million de personnes en France, elle demeure, comme bon nombre de maladies cérébrales, encore difficile à appréhender. Dans un cas sur trois, elle est résistante aux médicaments, la seule solution étant alors l'opération. Une chirurgie invasive et aux conséquences assez imprévisibles qui peuvent atteindre la personnalité ou le système moteur du patient.

A Marseille, les équipes du projet veulent mettre un peu de lumière sur cette zone d'ombre et rendre la chirurgie plus prévisible. Pour cela, elles ont développé "une plateforme computationnelle qui imite le fonctionnement du cerveau, en particulier l'organisation dynamique de son activité, la connectivité et l'échange de signaux électriques", expliquait Viktor Jirsa, chef du projet The virtual brain, au départ de l'aventure, en 2018.

Une première année pour perfectionner la technique

A ce moment-là, Epinov remporte le troisième appel à projet RHU (Recherche hospitalo-universitaire en santé) dans le cadre du plan Investissements d'Avenir piloté par l'Agence nationale de la recherche. "Ont été financés des projets innovants ayant une application clinique et un partenaire industriel", contextualise Fabrice Bartolomei, directeur du service d'épileptologie et de neurophysiologie clinique de l'hôpital La Timone. Le projet, sélectionné par un jury international, obtient alors un financement de 5,8 millions d'euros.

La première année est dédiée au perfectionnement du modèle sur la base de données déjà existantes. Il faut aussi composer avec un certain nombre de difficultés, au premier lieu desquelles "celle d'engager des gens de qualité sur un projet ambitieux avec des grilles salariales pas forcément attractives et des CDD qu'on ne peut pas prolonger", observe Fabrice Bartolomei qui regrette "d'avoir dû changer trois fois de chef de projet". Sans parler du temps consacré aux procédures administratives et du manque de locaux dédiés à la recherche dans les hôpitaux même si, admet-il, "l'AP-HM a fini par reconnaître que cela était important".

Une "super-imagerie de l'activité électrique cérébrale"

Après des études pilotes qui ont confirmé la faisabilité de l'approche, les essais cliniques ont pu démarrer en juillet 2019. A Marseille d'abord, puis à Lyon. Au total, ce sont 13 centres hospitaliers français qui seront concernés, soit plus de 300 patients d'ici trois ans. Des essais qui présentent deux principaux enjeux.

Cliniques d'abord, puisqu'il s'agit de voir si l'utilisation du cerveau virtuel est en mesure d'améliorer la chirurgie proposée aux malades. Pour le moment, le cerveau virtuel consiste en "une super-imagerie de l'activité électrique cérébrale", explique Fabrice Bartolomei. Construit à partir des données propres à chaque patient, il permet de mieux comprendre d'où part le dysfonctionnement et comment il se propage. "Il commence à prédire les effets de la résection d'une zone du cerveau". A terme, l'ambition est d'aller jusqu'à simuler une chirurgie ou une simulation cérébrale.

Ensuite, il s'agit de familiariser les cliniciens à l'utilisation de l'outil. D'autant que "c'est la première fois que l'on introduit à large échelle une technologie virtuelle comme celle-ci".

Une technologie qui pourrait, à terme, être mise sur le marché par Dassault Systèmes, le partenaire industriel du projet qui souhaite développer un logiciel à partir des données obtenues.

Car si le cerveau virtuel est plein de promesses pour les malades d'épilepsie, il pourrait aussi permettre de mieux comprendre d'autres pathologies cérébrales telles que les accidents cardio-vasculaires et la maladie d'Alzheimer. "Des gens essaient de modéliser la connectivité cérébrale dans le cas de ces maladies. Cela commence à peine".

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