Laurent Lhardit : "C'est en devenant normale que Marseille va montrer qu'elle est exceptionnelle"

Le nouveau monsieur Economie, c'est lui. Spécialiste dans le civil de stratégie, c'est celle de la Cité phocéenne dont il a désormais la charge. Et le sujet du dynamisme économique dans toutes ses composantes est un peu à l'image de la ville : pluriel, parfois complexe mais pas sans potentiel. Tourisme, investisseurs, entreprises, création d'un fonds ESS… Comment se construit la feuille de route de la deuxième ville de France ?
(Crédits : DR)

Il est arrivé aux affaires il y a peu et Laurent Lhardit, à l'instar des autres élus de la majorité municipale, prend ses marques dans ses nouvelles fonctions. Celui qui dans le civil est à la tête de son propre cabinet de conseil en stratégie a désormais la charge de la stratégie économique de la deuxième ville de France. Une Cité phocéenne qui sait attirer mais qui doit aussi combler les manques, gommer les freins, se remettre en question quand il le faut et donc mieux montrer ce qu'elle est vraiment. Une mission pas aisée - il y a quelques sujets de dissensions - mais une vision que l'élu du Printemps marseillais veut rendre concrète. "Nous voulons mieux travailler sur l'attractivité de la ville. L'attractivité c'est des questions qui concernent tous les Marseillais. Ce sont des logements accessibles à tout niveau de salariés, ce sont des écoles qui sont des lieux d'accueil confortables, c'est une ville propre, nettoyée. Nous voulons réduire drastiquement les inégalités sociales. Pouvoir donner le choix de s'installer dans n'importe quel quartier".

Et de tout résumer, philosophiquement, en une phrase : "la prospérité n'existe que dans la paix".

La paix économique qui passe par la paix sociale. Marseille, pourtant sièges de grands groupes et d'ETI françaises, n'est pas perçue en premier lieu pour son attractivité économique tant elle est toujours perçue comme une exception. Et pas dans le bon sens du terme. "Nous voulons faire aller Marseille vers une sorte de normalité. C'est en devenant normale que Marseille va montrer son côté exceptionnel".

Coopération respectueuse

Marseille qui est au cœur du territoire métropolitain. Autant dire que toute volonté stratégique ne peut s'organiser seule, en dehors de la métropole. Et c'est avec la Métropole, l'institution, que l'échange doit se faire. "Nous avons besoin de travailler ensemble". De "dépasser les clivages politiques. Les Marseillais ne nous ont pas élus pour que nous ne nous entendions pas. Nous devons nous entendre. Je ne peux pas imaginer que la Métropole n'ait pas la même volonté".

L'entente avec Aix-Marseille Provence, l'institution que préside Martine Vassal, qui fut la candidate LR au dernier scrutin municipal, est un point qui pourrait crisper si elle ne se faisait pas. La communication récente faite conjointement, côte à côte, entre Martine Vassal et la maire de Marseille, Michèle Rubirola au sujet de la Covid-19 semble montrer une coopération pas si impossible. Même si les divergences de vues ne manqueront sans doute pas. Sur le sujet, Laurent Lhardit n'en démord pas. "La Métropole est sensée servir l'ensemble du territoire. On ne veut pas d'un conseil départemental bis qui donnerait des subventions aux maires des Bouches-du-Rhône. Nous voulons une coopération respectueuse".

Pas que les champs de lavande

Le dynamisme économique c'est aussi le tourisme. Une filière forte que la crise sanitaire a certes placée au centre des préoccupations, mais dont l'approche en terme de pouvoir d'attraction doit être revue. "Nous avons des outils efficaces, comme l'Office de Tourisme. Et cet été, l'extrême attrait de Marseille est la preuve du potentiel. Mais c'est une hérésie que de présenter Marseille dans un package Provence", surtout que, dit Laurent Lhardit, ce n'est pas au cœur de la cité phocéenne que se trouvent les champs de lavande, choisis souvent pour illustrer le territoire dans sa globalité. "Il faut vendre Marseille pour ce qu'elle est". Sans faux-semblant.

Autre point qui mérite révision de la stratégie est celui de l'attractivité économique. "La Ville n'a pas d'agence d'attractivité économique", souligne Laurent Lhardit, précisant que le constat ne signifie pas que création d'une agence il y aura. Mais "lorsque je fais les bilans, de temps en temps, nous voyons une PME, petite perle de 4 personnes s'installer à Marseille alors que la grande entreprise va s'installer à la Duranne". Comprendre à Aix-en-Provence. Comprendre que déséquilibre il y a. "La stratégie de chacun doit être respectée. Marseille est la locomotive de cette métropole. On doit prendre en compte la stratégie propre à Marseille".

Où on en arrive au point crucial des déplacements. "Le développement économique est entravé par des sujets comme la mobilité", constate Laurent Lhardit. Qui estime qu'en réduisant de 10 % les circulations automobiles, on réduit aussi la congestion de la ville. Et qu'en parallèle, "on renforce l'attractivité des transports en commun. Et du coup, on fait la transition écologique".

S'allier avec les grandes métropoles européennes

Mais sa stratégie d'attractivité, Laurent Lhardit la place à un niveau plus large que le seul niveau locaL "Nous devons travailler sur des stratégies d'alliance avec Bordeaux, Barcelone, Milan... qui, comme nous, sont confrontées à la question écologique, aux mutations... On peut créer des réseaux puissants avec des intérêts communs".

Et pour voir grand, il faut aussi limiter les querelles de proximité qui ne servent pas le territoire. "Je vois les scories d'un débat entre Marseille et La Ciotat. Le marché de grande plaisance a muté. C'est ensemble qu'elles doivent créer un pôle, additionner leurs expertises. Il faut arrêter avec le syndrome du village gaulois".

Soutenir les TPE PME figure aussi dans la feuille de route. Notamment en les accompagnant vers les nouveaux marchés que représente la transition écologique. "Nous devons les amener à orienter leurs réflexions avec le plus de soutien possible. L'idée est que ces entreprises puissent embaucher davantage. On sait qu'il existe une barrière dans l'état d'esprit des chefs d'entreprise. C'est là où nous avons un fonds de croissance".

Le centre-ville, outil d'attractivité des entreprises

Soutenir les entreprises exogènes ou endogènes passe aussi par l'épineuse problématique du foncier. "Nous étudions quelle est l'offre pour l'implantation des entreprises". On cite Euroméditerranée. "C'est un fabuleux outil mais qui présente un inconvénient : l'offre est trop élevée pour les petites entreprises". C'est donc vers le centre-ville que pourrait se trouver une solution. Le centre-ville, objet d'un projet de rénovation porté par l'ancienne majorité municipale pourrait ainsi servir la vision de la nouvelle équipe municipale : réhabiliter en accompagnant la mise à disposition d'espaces dédiés aux bureaux, aux commerces et à l'artisanat. Histoire de redéployer de l'activité artisanale et de proposer aux startups des locaux à des loyers abordables. Pour cela, la discussion actuelle est la création ou pas d'un outil d'aménagement dédié. Pourquoi pas sur le modèle de la SEMAEST, la société d'économie mixte en charge de la revitalisation du commerce à Paris. "Cette redynamisation est essentielle".

Mais pour piloter la stratégie, il faut des données. Ce qui plairait à Laurent Lhardit, c'est un baromètre qui offre la possibilité de "faire des photographies régulières sur l'état de l'économie". Et qui permette à chaque acteur économique de se positionner. Et puis, il permettrait aussi de mieux mesurer les impacts de l'activité croisière. La croisière, l'un des sujets de crispation lors de la campagne municipale, est un sujet qu'il faut décortiquer pour Laurent Lhardit. "Les données que nous avons ne sont pas fiables. Je n'ai rien contre les croisières mais je veux un outil pour permettre d'avoir une politique publique". Le dialogue néanmoins avec les représentants de la croisière semble entamé. "Les acteurs locaux ont compris que maintenant il fallait faire autrement". Et pour en remettre une couche sur le tourisme : "nous voulons des touristes qui restent plus longtemps à Marseille et qui dépensent davantage".

Un fonds pour l'ESS ?

Le projet d'un fonds métropolitain d'innovation, qui figurait dans le programme économique du Printemps marseillais est à l'étude. "Nous sommes en train d'y réfléchir". Mais Laurent Lhardit entend bien développer l'économie sociale et solidaire. Un fonds d'investissement pour les entreprises de ce secteur est également à la réflexion, l'idée étant de les "amener à être plus performantes et à être des exemples pour les autres. C'est une économie qui évolue vite, qui présente une croissance à deux chiffres. Il est dans notre intérêt de la développer".

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 10/09/2020 à 11:22
Signaler
Qui a ouvert la porte de sa cage ?

à écrit le 10/09/2020 à 9:09
Signaler
"Normal" ?! Ça comme ce mal...

à écrit le 09/09/2020 à 19:13
Signaler
Citation du titre de l'article et "la prospérité n'existe que dans la paix" : moi, si j'étais marseillais, avec un tel génie et une pensée aussi aboutie, je commencerais à baliser...

le 10/09/2020 à 5:54
Signaler
je pense la meme chose. Marseille est un chaudron informel.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.