Pourquoi il faut (aussi) sauver le tourisme industriel

Elles sont familiales, souvent centenaires, détentrices d'un savoir-faire et font reposer une partie de leur business modèle sur le tourisme. PME issues du secteur de la parfumerie, de la confiserie ou de l'artisanat d'art, les voilà pourtant bien dépourvues face à un plan tourisme piloté par l'Etat qui les ignore totalement. Ce qui met réellement à mal leur survie économique.
(Crédits : DR)

C'est l'histoire de codes NAF et APE qui ne correspondent pas. Une histoire de nomenclature qui pour l'heure pénalise ces PME industrielles, au savoir-faire parfois ancestral, en tout cas, précieux, des PME qui bien que reconnues comme faisant partie du patrimoine national, se trouvent exclues des soutiens, notamment financiers du plan tourisme de l'Etat.

Extension du domaine de la lutte

Elles s'appellent Fragonard, Molinard, Verrerie de Biot ou Confiserie Florian et dans les Alpes-Maritimes se sont elles qui sont montées au créneau pour dire l'ubuesque de la situation. Car ces entreprises sont confrontées à un trou dans la raquette aussi fâcheux qu'administratif : le plan tourisme n'intègre pas ces fleurons français, tout simplement parce que pas reconnues comme entreprises reliées au tourisme alors qu'elles contribuent, au contraire, à la fréquentation dans les villes et villages, à la transmission d'une expertise, à l'attractivité des territoires et donc, plus largement de la France.

Il y a bien le plan de soutien qui concerne depuis le 14 mai, les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, des cafés, du tourisme, de l'événementiel, du sport ou de la culture regroupés dans une liste appelée S1 et les secteurs connexes, situés en amont ou en aval de ces secteurs comme les commerces de gros (alimentaire, textile, de fournitures...), éditeurs de livres, transports de voyageurs par taxis et VTC, fabrication de bières... identifiés dans une liste S1bis. Mais il n'y a pas ces entreprises du savoir-faire industriel. Or, en France, si on comptabilise celles, par exemple, référencées par l'association Entreprises et Découvertes, association qui vise à promouvoir la filière visite d'entreprise, ce sont 2 000 entreprises en France qui appuient leur business modèle sur l'activité touristique.

Quel plan de bataille ?

Plutôt que quémander et râler, les entreprises azuréennes concernées proposent de préciser des critères qui permettraient aux PME /PMI de ce segment précis d'être identifiées et donc d'être intégrées dans le plan de soutien. Ainsi, cinq critères ont été définis, dont faire partie du club France Savoir-Faire d'Excellence, être un établissement qui propose des visites guidées, authentiques, culturelles, humaines et de qualité, être ouvert au grand public 6 jours sur 7 toute l'année, être certifié Qualité Tourisme au cours des cinq dernières années et faire partie d'Atout France. Appel a été fait aussi auprès des parlementaires et le député LREM de Nice, Cédric Roussel s'est même fendu d'un courrier circonstancié au ministre concerné, Jean-Baptiste Lemoyne. Courrier co-signé par 22 autres députés de la majorité présidentielle. De son côté, le sénateur de Grasse Jean-Pierre Leleux déposera un amendement en ce sens. Parce que c'est bien de jeter toutes les forces dans la bataille. Car, clairement, le risque est bien la pérennité de ces petites et moyennes entreprises.

Eric Fabre, le directeur général de Fragonard, prévient : la fréquentation touristique, empêchée qui plus est par des liaisons aériennes soit inexistantes soit onéreuses, est faible. "Nous sommes inquiets depuis le mois de mai. Notre modèle économique repose en partie sur le tourisme. Nous savons que des décalages importants vont se produire. La pandémie est présente désormais dans d'autres pays, empêchant les déplacements". "Les liaisons aériennes doivent reprendre", exhorte pour sa part Anne Lechaczynski, la présidente de la Verrerie de Biot qui rappelle que son entreprise, Fragonard, Molinard, Galimard et la Confiserie Florian cumulent ensemble 2 millions de visiteurs par an. "Alors que l'on évoque partout ailleurs la nécessité de se différencier, nous avons, sur la Côte d'Azur, des savoir-faire locaux qui contribuent à la richesse culturelle de notre pays et ce sont ces savoir-faire locaux qui font la différence".

La question des territoires

Car au-delà des questions de trous dans la raquette, c'est plus largement une question de sauvegarde de savoir-faire ancestraux qui sont l'enjeu. "Des savoir-faire que nous avons su conserver localement", poursuit la présidente de la Verrerie de Biot. Un Made in France qu'il convient de chouchouter et de préserver. Grasse, reconnue au patrimoine de l'Humanité de l'Unesco l'a bien été pour ses parfums et surtout pour l'ensemble des expertises qu'ils réunissent sur un territoire. Biot est reconnue Ville des métiers d'art pour son tissu local constitué d'acteurs du travail du verre. 80% des visiteurs de ces fleurons azuréens sont des touristes. 10 % sont les hôtels et les restaurants. "C'est cela la réalité de notre quotidien", indique Anne Lechaczynski. Et l'effet domino jour à plein. Parce que toutes sont le sous-traitant, le fournisseur ou le donneur d'ordre d'autres PME. Ce sont aussi des entreprises qui intègrent R&D et innovation dans leurs process. Alors que la relocalisation industrielle est l'un des enjeux révélés par la crise sanitaire, il ne faudrait pas oublier ceux qui sont déjà l'industrie régionale et nationale.

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